Deuxième version


LETTRE DIX-HUIT
lÉME.

COMBIEN
de tems effacé
de ma vie , mon cher Aza !
Le Soleil a fait la moitié de
f
on cours depuis la dernière
fois que j'ai joui du bonheur
artificiel que je me faifois en
croyant m'entretenir avec toi.
Que cette double abfence m'a
paru longue ! Quel courage ne
m'a-t'
il pas fallu pour la fup-
porter? Je ne vivois que dans
l'
avenir, le préfent ne me pa-
roiff
oit plus digne d être comp-
té. Toutes mes penfées n'é«
toient que des défirs y toutes
mes réflexions que des projets ^
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192 Lettres d'une

A
peine puis-je encore for-
mer ces figures , que je me hâte
d'
en faire les interpr�tes de ma
tendrelTe.

Je me
fens ranimer par cette
tendre occupation. Rendue à
moi-même , je crois recommen-
cer à vivre. Aza , que tu m'es
cher
, que j'ai de joie à te ledire^
à le peindre , à donner à ce fen-
timent toutes les fortes d'exi-
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ences qu il peut avoir ! Je vou-
drois le tracer fur le plus dur mé-
tal, fur les murs de ma cham-
bre , f
ur mes habits , fur tout ce
qui m'environne, & l'expri-
mer dans toutes les langues.

Hélas ! que la connoi
fTance
de celle dont je me fers à pré-
f
ent m'a été funefte , que l'efpé-
rance qui m'a portée à m'en in-

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Péruvienne. 195

flruirc
étoit trompeufe ! A me-
fa
re que j'en ai acquis l'intelli-
gence, un nouvel univers s'efl:
offert à mes yeux. Les objets
ont pris une autre forme , cha-
que éclaircifTement m'a décou-
vert un nouveau malheur.

Mon e
iprit, mon cœur, mes
yeux 5
tout m'a féduit , le Soleil
même m'a trompée. Il éclaire
le m.
onde entier dont ton Em-
pire n'occupe qu'une portion,
ainf
i que bien d'autres Royau-
mes qui le compofent. Ne crois
pas, mon cher Aza, que l'on
m'
ait abufée fur ces faits in-
croyables: on ne me les a que
trop prouvés.

Loin d
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ples foumis à ton obéiffance,
je f
uis non feulement fous une

I.Pm. * R



194 Lettres d'une



d
omination Etrang��re , mais fî
éloignée de ton Empire, que
notre Nation y feroit encore
ignorée, fi la cupidité des Ef-
pagnols ne leur avoit fait fur-
monter des dangers affreux
pour pénétrer jufqu à nous.

L'
amour ne fera-t'il pas ce
que la foif des richeffes a pu
faire? Si tu m'aimes, fi tu me
défires , fi
tu penfes encore à
la malheureufe Zilia, je dois
tout attendre de ta tendreiïe
ou de ta générofité. Que l'on
m'cnf
eigne les chemins qui
peuvent me conduire jufqu'à
toi
, les périls à furmonter , les
fatigues à fupporter feront des
plaif
irs pour mon cœur.



I



Péruvienne. 195



  Première version


LETTRE DIX-HUIT
IÉME.


COmbien
de tems effacé de ma vie, mon cher Aza ! Le Soleil a fait la moitié de son cours depuis la dernière fois que jai joui du bonheur artificiel que je me faisois en croyant mentretenir avec toi. Que cette double absence m’a paru longue ! Quel courage ne m’a-t-il pas fallu pour la supporter ? Je ne vivois que dans l’avenir, le présent ne me paroissoit plus digne dêtre compté. Toutes mes pensées n’étoient que des desirs, toutes mes réflexions que des projets, tous mes sentimens que des espérances.

À
peine puis-je encore former ces figures, que je me hâte d’en faire les interpr�tes de ma tendresse.

Je me
sens ranimer par cette tendre occupation. Rendue à moi-même, je crois recommencer à vivre. Aza, que tu m’es cher, que jai de joie à te le dire, à le peindre, à donner à ce sentiment toutes les sortes d’existences quil peut avoir ! Je voudrois le tracer sur le plus dur métal, sur les murs de ma chambre, sur mes habits, sur tour ce qui menvironne, & lexprimer dans toutes les langues.

Hélas ! que la connoi
ssance de celle dont je me sers à présent ma été funeste, que l’espérance qui ma portée à men instruire étoit trompeuse ! À mesure que jen ai acquis lintelligence, un nouvel univers s’est offert à mes yeux. Les objets ont pris une autre forme, chaque éclaircissement ma découvert un nouveau malheur.

Mon e
sprit, mon cœur, mes yeux, tout m’a séduit, le Soleil même ma trompée. Il éclaire le monde entier dont ton empire noccupe quune portion, ainsi que bien dautres Royaumes qui le composent. Ne crois pas, mon cher Aza, que l’on m’ait abusée sur ces faits incroyables : on ne me les a que trop prouvés.

Loin d
être parmi des peuples soumis à ton obéissance, je suis non seulement sous une Domination Étrang��re, éloignée de ton Empire par une distance si prodigieuse, que notre nation y seroit encore ignorée, si la cupidité des Espagnols ne leur avoit fait surmonter des dangers affreux pour pénétrer jusqu’à nous.

L’
amour ne fera-t-il pas ce que la soif des richesses a pu faire ? Si tu maimes, si tu me desires, si seulement tu penses encore à la malheureuse Zilia, je dois tout attendre de ta tendresse ou de ta générosité. Que l’on m’enseigne les chemins qui peuvent me conduire jusqu’à toi, les périls à surmonter, les fatigues à supporter seront des plaisirs pour mon cœur.


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