Deuxième version


LETTRE DEUXI�
�ME.

QUe l'
arbre de la vertu,
mon cher Aza , répande
à jamais fon ombre fur la fa-
mille du pieux Citoyen qui a
reçu fous ma fenêtre le myilé-
l
ieux tiffu de mes penfées , &c
qui P
a remis dans tes mains !
Que Pachammac ^ prolonge fes
années , en récompenfe de fon
adrefl
e à faire paffer jufqua
moi les plaifirs divins avec ta
réponfe.

Les tré
fors de l'Amour me
f
ont ouverts j j'y puife une
joie délicieufe dont mon ame

* Le Dieu créateur, plus puUTant q^ue le
-Soleil.

Eij



5 2 Lettres d'une

s'c
nyvre. En dénouant les ie-
crer
s de ton cœur, le mien le
baigne dans une Mer parfu-
mée. Tu vis, &c les chaînes
qui dévoient nous unir ne font
pas rompues ! Tant de bonheur
étoit Tobjct de mes défirs , &c
non celui de mes efpérances.

Dans
Pabandon de moi-mê-
me, je ne craignois que pour
tes jours j ils font en fureté,
je ne
vois plus le malheur. Tu
m^aimes ,
le plaifir anéantnéanti re-
naît dans mon cœur
. Je goûte
avec tranfport
la délicieufe
confiance a
e plaire à ce que
j aime j mais elle ne me fait
point
oublier que je te dois
tout
ce que tu daignes approu-
ver en moi
. Ainfi que la Rofe
tire fa brillante couleur de^



Péruvienne. 5}

rayons du Soleil , de même les
charmes que tu trouves dans
mon efprit &c dans mes fenti-
mens
, ne font que les bienfaits
de ton génie lumineux ; rien
n'ef
t à moi que ma tendreflfe.

Si tu étois un homme ordi
-
naire, je ferois reliée dans 1 i-
gnorance à laquelle
mon fexe
elT:
condam.nc. Mais ton ame
fupérieure aux
coutumes , ne
les a regardées que comme des
abus
, tu en as franchi les bar-
riè
res pour m'éleverjufqu'à toi.
Tu n'as pu f
ouffrir qu'un être
f
emblable au tien, fût borné à
l'
humiliant avantage de don-
ner la vie à ta poftérité. Tu as
voulu que nos divins Amutas ^

f Philorophes Indiens.

Eiij



54 Lettres d'une

ornaiTenr
mon entendement de
leurs fublimes connoiffances.
Mais

Mais
, ô lumière de ma vie ,
f
ans le défir de te plaire , au-
x
ois-je pu nie rcfoudrc à aban-
donner ma tranquille ignoran-
ce, pour la pénible occupa-
tion de Pétude ? Sans le défir
de mériter ton efiime, ta con-
fiance , ton refpcél , par des
vertus qui fortifient Tamour,
& que Tamour rend volup-
tueufes y
je ne ferois que l'ob-
jet de tes yeux y l'abfence m'au-
roit déjà effacée de ton fou-
venir.

H
élas ! fi tu m'aimes encore,
pourquoi fuis- je dans l'efcla-
vagc
? En jettant mes regards
f
ur les murs de ma prifon , ma
jcye dif
paroît , l'horreur me



Péruvienne. 5?

faifit , &c
mes craintes le re-
nouvellent. On ne t'a point
ravi la liberté , tu ne viens
pas à mon fecours ; tu es in-
f
truit de mon fort, il n'eft pas
changé. Non , mon cher Aza,
ces Peuples féroces , que tu
nommes Efpagnols , ne te
laiflent
pas aulTi libre que
tu crois l'être. Je v^ois autant
de f
ignes d'efclavage dans les
honneurs qu'ils te rendent >
que dans la captivité ou ils me
retiennent.

Ta bonté te
féduit, tu crois
fm
céres , les promefTes que ces
barbares te font faire par leur
interprête , parce que tes pa-
roles font inviolables ; mais
moi qui n'entends pas leur
langage ^ moi qu'ils ne trou-

E iiij



^6 Lettres d'une

vent pas digne d'être trompée,
je vois leurs adlions.

Tes Sujets les prennent pour

des Dieux , ils fe rangent de
leur parti : ô mon cher Aza,
malheur au Peuple que la
crainte détermine ! Sauve -toi
de cette erreur, défie-toi de la
fauff
e bonté de ces Etrangers.
Abandonne ton Empire , puif-
que
Viracocha en a prédit la
aefl:ru(?
tion. Achette ta vie &:
ta liberté au prix de ta puif-
f
ance, de ta grandeur, de tes
tréfors,*
il ne te reftera que les
dons de la nature. Nos jours
f
eront en fureté.

Riches de la po
fTeiïion de
nos cœurs , grands par nos ver-
tus
, puiffans par notre modé-
ration, nous irons dans une



Péruvienne. 57

cabane jouir du ciel , de la
terre &: de notre tendreiTc.
Tu f
eras plus Roi en régnant
f
ur mon ame , qu'en dou-
tant de Paffecbion d'un peuple
innombrable : ma foumifTion
à tes volontés te fera jouir fans
tyrannie du beau droit de com-
mander. Ent'obéïffant je ferai
retentir ton Empire de mes
chants d'allégreffe ; ton Diad��-
me * f
era toujours l'ouvrage de
mes mains, tu ne perdras de
ta Royauté que les foins &c les
fatigues.

Combien de fois, cher
ame
de ma vie, tu t'es plaint des



* Le Dladcmc des Inca^ erok une efpe'c^
de frange, C'étoit l'ouviage des Vierges dvi
ioleil.



58 Lettres d'une

devoirs de ton rang? Combien
les cérémonies , dont tes viiltes I
c
toient accompagnées , t'ont 1
fait envier le fort de tes Sujets ?
Tu n'
aurois voulu vivre que
pour moi ; craindrois-tu à pré-
l
ent de perdre tant de con-
traintes? Ne fuis-je plus cette
Zilia , que tu aurois préférée à
ton Empire? Non, je ne puis
le croire , mon cœur n'eft point
changé , pourquoi le tien le
f
eroit-il ?

J'aim^e
, je vois toujours le
même Aza , qui régna dans
mon ame au premier moment
de fa vue j
je me rappelle ce
jour fortuné , où ton Père ,
mon f
ouverain Seigneur , te
fit partager, pour la première
fois, le pouvoir réfervé a lui



Péruvienne. 59

leul , d'
entrer dans Tintérieur
du Temple ; ^ je me repréfentc
le fpecl:
acle agréable de nos
Vierges raflemblées, dont la
beauté recevoir
un nouveau
luftre par T
ordre charmant -
dans lequel elles étoient ran-
gées , t
elles que dans un jardin
l
es plus brillantes fleurs tirent
un nouvel
éclat de la fimétrie
de
leurs compartimens.

Tu parus au milieu de nous

comme un Soleil Levant, dont
la tendre lumière prépare la
f
érénité d'un beau jour : le feu
de tes yeux répandoit fur nos
joues le coloris de la modeflie,
un embarras ingénu tenoit nos
regards captifs j une joie bril-

* L'Incas regnanc avoir i-jul le droh
d'entrer dans le Temple du Soleil,



6o Lettres d'une

lante éclaroit dans les tiens j tu
n'a
vois jamais rencontre tant
de beautés enfemble. Nous n'a-
vions jamais vu que le Capa-
ca : rétonnement & le filence
re
gnoient de toutes parts. Je
ne f
çais quelles étoient les pen-
f
ées de mes Compagnes j mais
de quels fentimens mon cœur
ne fut-il point affailli ! Pour
la première fois j éprouvai du
trouble, de l'inquiétude, &c
cependant du plaifir. Confufe
des agitations de mon ame ,
j'
allois me dérober à ta vue;
mais tu tournas tes pas vers
moi, le refpecb me retint.

O
, mon cher Aza , le fou-
venir de ce premier moment
de mon bonheur me fera tou-
jours cher ! Le fon de ta voix.



Péruvienne. 6i

ainf
i que le chant mélodieux
de nos Hymnes , porta dans
mes veines le doux frémilTe-
ment &c le faint refpeft que
nous infpire la préfence de la
Divinité.

Tremblante
, interdite , la
timidité m'avoit ravi iufquà
Puf
age de la voix ; enhardie
enfin par la douceur de tes
paroles , j'ofai élever mes re-
gards jufqu'à toi , je rencon-
trai les tiens. Non , la mort
même n'effacera pas de ma mé-
moire les tendres mouvemens
de nos âmes qui fe rencontrè-
rent, & fe confondirent dans
un inflant.

Si nous pouvions douter de

notre origine , mon cher Aza ,
ce trait de lumière confondroit



62 Lettres d'une

notre incertitude. Quel autre,
que le principe du feu , auroit
pu
nous tranlmettre cette vive
intelligence des cœurs, com-
muniquée , répandue &c fen-
tie
, avec une rapidité inexpli-
cable ?

J'
étois trop ignorante furies
effets de Pamour pour ne pas
m'
y tromper. L'imagination
remplie de la fublime Théolo-
gie de nos Cucipatas , (a) je pris
le feu qui m'animoit pour une
agitation divine , je crus que le
Soleil me manifeftoit fa vo-
lonté par ton organe, qu'il me
choififf
oit pour fon époufe
d'
élite : (i) j'en foupirai , mais

( a] Prêtres du Soleil.
(h) Il y avoir une Vierge choifie pour le
Soleil , qui ne dévoie jamais are mariée.






Péruvienne. 63

après ton départ , j'examinai
mon cœur, êc je n'y trouvai
que ton image.

Quel changement, mon cher

Aza
, ta préfence avoir fait fur
moi ! tous les objets me paru-
rent nouveaux ; je crus voir
mes Compagnes pour la pre-
miè
re fois. Qu elles me paru-
rent belles ! je ne pus fourenir
leurprcfencej
retirée à l'écart,
je me livrois au trouble de
mon ame, lorfqu'une d'entre-
elles, vint me tirer de ma rê-
verie , en me donnant de nou-
veaux f
ujets de m'y livrer. Elle
m'
apprit qu'étant ta plus pro-
che parente, j'étois deftinée à
être ton époufe, dès que mon
âge permettroit cette union.

J'
ignorois les loix de ton



^4 Lettres d'une

t
mpire , ^ mais depuis que je
t
avois vu , mon coeur étoit
trop éclairé pour ne pas faifir
l'
idée du bonheur d'être à toi.
Cependant loin d en connoître
toute rétendue ; accoutumée
au nom facré d epoufe du So-
leil
, je bornois mon efpérance
à te voir tous les jours , à
t'
adorer, à tofFrir des vœux
comme à lui.

C cil toi
, mon cher Aza ,
c'ef
t toi qui dans la fuite com-
blas mon ame de délices en
m'
apprenant que l'augufte
rang de ton époufe m'alïocie-



* Les loix des Indiens obligcoîcnt les
Incas d'cpoufer leurs fœurs, & quand ils
n'en avoienc point, de prendre pour femme
la première Princelle du Sang des laças,
<^ui e'toit Vierge du Soleil.

roit



Péruvienne.



roic
à ton cœur , a ton tronc ,
à ta gloire, à tes vertus; que
je jouirois fans cefTe de ces en-
tretiens il rares &c fi courts
au gré de nos défirs , de ces
entretiens qui ornoient mon
ef
prit des perfections de ton
ame, &: qui ajoutoient à mon
bonheur la délicieufe efpéran-
ce
de faire un jour le tien.

O
, mon cher Aza , combien
ton impatience contre mon
extrême
jeunefle , qui retar-
doit notre union, étoit flat-
teuf
e pour mon cœur ! Com-
bien les deux années qui fe
f
ont écoulées t'ont paru lon-
gues, & cependant que leur
durée a été courte! Hélas, le
moment fortuné étoit arrivé»
Q
uelle fatalité l'a rendu fi fu-

L Pan, ^ F



66 Lettres d'une

nef
te ? Quel Dieu pourfuit ain
l'
innocence &: la vertu ? Ou
quelle Puiffance infernale nous
a f
éparés de nous - mêmes ?
L'
horreur me faifit , mon cœur
f
e déchire, mes larmes inon-
dent mon ouvrage. Aza ! mon
cher Aza ! . . .







Peruviexxe. 6?



  Première version


LETTRE DEUXI�
�ME.


Que l’
arbre de la vertu, mon cher Aza, répande à jamais son ombre sur la famille du pieux Citoyen qui a reçu sous ma fenêtre le mystérieux tissu de mes pensées, & qui l’a remis dans tes mains ! Que Pachammac [8] prolonge ses années, en récompense de son adresse à faire passer jusqu’à moi les plaisirs divins avec ta réponse.

Les tré
sors de lAmour me sont ouverts ; j’y puise une joie délicieuse dont mon ame s’enyvre. En dénouant les secrets de ton cœur, le mien se baigne dans une Mer parfumée. Tu vis, & les chaînes qui devoient nous unir ne sont pas rompues ! Tant de bonheur étoit l’objet de mes desirs, & non celui de mes espérances.

Dans
l’abandon de moi-même, je craignois pour tes jours ; le plaisir étoit oublié, tu me rends tout ce que j’avois perdu. Je goûte à longs traits la douce satisfaction de te plaire, d’être louée de toi, d’être approuvée par ce que j’aime. Mais, cher Aza, en me livrant à tant de délices, je n’oublie pas que je te dois ce que je suis. Ainsi que la rose tire ses brillantes couleurs des rayons du Soleil, de même les charmes qui te plaisent dans mon esprit & dans mes sentimens, ne sont que les bienfaits de ton génie lumineux ; rien n’est à moi que ma tendresse.

Si tu étois un homme ordi
naire, je serois restée dans le néant, où mon sexe est condamné. Peu esclave de la coutume, tu m’en as fait franchir les barrieres pour mélever jusqu’à toi. Tu n’as pû souffrir quun être semblable au tien, fût borné à l’humiliant avantage de donner la vie à ta postérité. Tu as voulu que nos divins Amutas [9] ornassent mon entendement de leurs sublimes connoissances. Mais, ô lumiere de ma vie, sans le desir de te plaire, aurois-je pû me resoudre d’abandonner ma tranquille ignorance, pour la pénible occupation de l’étude ? Sans le desir de mériter ton estime, ta confiance, ton respect, par des vertus qui fortifient l’amour & que l’amour rend voluptueuses ; je ne serois que l’objet de tes yeux ; l’absence m’auroit déjà effacée de ton souvenir.

Mais
, hélas ! si tu maimes encore, pourquoi suis-je dans l’esclavage ? En jettant mes regards sur les murs de ma prison, ma joie disparoît, l’horreur me saisit, & mes craintes se renouvellent. On ne ta point ravi la liberté, tu ne viens pas à mon secours ; tu es instruit de mon sort, il n’est pas changé. Non, mon cher Aza, au milieu de ces Peuples féroces, que tu nommes Espagnols, tu n’es pas aussi libre que tu crois lêtre. Je vois autant de signes d’esclavage dans les honneurs quils te rendent, que dans la captivité où ils me retiennent.

Ta bonté te
séduit, tu crois sincéres, les promesses que ces barbares te font faire par leur interprête, parce que tes paroles sont inviolables ; mais moi qui nentends pas leur langage ; moi qu’ils le trouvent pas digne dêtre trompée, je vois leurs actions.

Tes Sujets les prennent pour
des Dieux, ils se rangent de leur parti : ô mon cher Aza, malheur au peuple que la crainte détermine ! Sauve-toi de cette erreur, défie-toi de la fausse bonté de ces Étrangers. Abandonne ton Empire, puisque l’Inca Viracocha [10] en a prédit la destruction.

Achette ta vie & ta liberté au prix de ta puissance, de ta grandeur, de tes trésors ; il ne te restera que les dons de la nature. Nos jours seront en reté.

Riches de la po
ssession de nos cœurs, grands par nos vertus, puissans par notre modération, nous irons dans une cabane jouir du ciel, de la terre & de notre tendresse.

Tu s
eras plus Roi en régnant sur mon ame, qu’en doutant de l’affection dun peuple innombrable : ma soumission à tes volontés te fera jouir sans tyrannie du beau droit de commander. En t’obéïssant je ferai retentir ton Empire de mes chants dallégresse ; ton Diad��me [11] sera toujours louvrage de mes mains, tu ne perdras de ta Royauté que les soins & les fatigues.

Combien de fois, cher
e ame de ma vie, tu tes plaint des devoirs de ton rang ? Combien les cérémonies, dont tes visites étoient accompagnées, t’ont fait envier le sort de tes Sujets ? Tu n’aurois voulu vivre que pour moi ; craindrois-tu à présent de perdre tant de contraintes ? Ne serois-je plus cette Zilia, que tu aurois préférée à ton Empire ? Non, je ne puis le croire, mon cœur n’est point changé, pourquoi le tien le seroit-il ?

J’aime
, je vois toujours le même Aza qui régna dans mon ame au premier moment de sa vûe ; je me rappelle sans cesse ce jour fortuné, où ton Pere, mon souverain Seigneur, te fit partager, pour la premiere fois, le pouvoir réservé à lui seul, d’entrer dans l’intérieur du Temple [12] ; je me représente le spectacle agréable de nos Vierges, qui, rassemblées dans un même lieu, reçoivent un nouveau lustre de l’ordre admirable qui régne entr’elles : tel on voit dans un jardin l’arrangement des plus belles fleurs ajouter encore de l’éclat à leur beauté.

Tu parus au milieu de nous
comme un Soleil Levant, dont la tendre lumiere prépare la sérénité dun beau jour : le feu de tes yeux répandoit sur nos joues le coloris de la modestie, un embarras ingénu tenoit nos regards captifs ; une joie brillante éclatoit dans les tiens ; tu n’avois jamais rencontré tant de beautés ensemble. Nous n’avions jamais vû que le Capa-Inca : l’étonnement & le silence gnoient de toutes parts. Je ne sçais quelles étoient les pensées de mes Compagnes ; mais de quels sentimens mon cœur ne fut-il point assailli ! Pour la premiere fois jéprouvai du trouble, de linquiétude, & cependant du plaisir. Confuse des agitations de mon ame, j’allois me dérober à ta vûe ; mais tu tournas tes pas vers moi, le respect me retint.

Ô
, mon cher Aza, le souvenir de ce premier moment de mon bonheur me sera toujours cher ! Le son de ta voix, ainsi que le chant mélodieux de nos Hymnes, porta dans mes veines le doux frémissement & le saint respect que nous inspire la présence de la Divinité.

Tremblante
, interdite, la timidité mavoit ravi jusqu’à l’usage de la voix ; enhardie enfin par la douceur de tes paroles, j’osai élever mes regards jusqu’à toi, je rencontrai les tiens. Non, la mort même neffacera pas de ma mémoire les tendres mouvemens de nos ames qui se rencontrerent, & se confondirent dans un instant.

Si nous pouvions douter de
notre origine, mon cher Aza, ce trait de lumiere confondroit notre incertitude. Quel autre, que le principe du feu, auroit nous transmettre cette vive intelligence des cœurs, communiquée, répandue & sentie, avec une rapidité inexplicable ?

J’
étois trop ignorante sur les effets de l’amour pour ne pas m’y tromper. Limagination remplie de la sublime Théologie de nos Cucipatas [13], je pris le feu qui manimoit pour une agitation divine, je crus que le Soleil me manifestoit sa volonté par ton organe, quil me choisissoit pour son épouse d’élite : j’en soupirai, mais après ton départ, j’examinai mon cœur, & je ny trouvai que ton image.

Quel changement, mon cher
Aza, ta présence avoit fait sur moi ! tous les objets me parurent nouveaux ; je crus voir mes Compagnes pour la premiere fois. Quelles me parurent belles ! je ne pus soutenir leur présence ; retirée à lécart, je me livrois au trouble de mon ame, lorsqu’une d’entr’elles, vint me tirer de ma rêverie, en me donnant de sujets de my livrer. Elle m’apprit quétant ta plus proche parente, jétois destinée à être ton épouse, dès que mon âge permettroit cette union.

J’
ignorois les loix de ton Empire [14], mais depuis que je t’avois vû, mon cœur étoit trop éclairé pour ne pas saisir l’idée du bonheur dêtre à toi. Cependant loin den connoître toute l’étendue ; accoutumée au nom sacré d’épouse du Soleil, je bornois mon à te voir tous les jours, à t’adorer, à t’offrir des vœux comme à lui.

C’est toi
, mon aimable Aza, c’est toi qui comblas mon ame de délices en m’apprenant que l’auguste rang de ton épouse m’associeroit à ton cœur, à ton trône, à ta gloire, à tes vertus ; que je jouirois sans cesse de ces entretiens si rares & si courts au gré de nos desirs, de ces entretiens qui ornoient mon esprit des perfections de ton ame, & qui ajoutoient à mon bonheur la délicieuse espérance de faire un jour le tien.

Ô
, mon cher Aza combien ton impatience contre mon jeunesse, qui retardoit notre union, étoit flatteuse pour mon cœur ! Combien les deux années qui se sont écoulées tont paru longues, & cependant que leur durée a été courte ! Hélas, le moment fortuné étoit arrivé ! quelle fatalité la rendu si funeste ? Quel Dieu punit ainsi l’innocence & la vertu ? ou quelle Puissance infernale nous a séparés de nous-mêmes ? L’horreur me saisit, mon cœur se déchire, mes larmes inondent mon ouvrage. Aza ! mon cher Aza !


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