Deuxième version


LETTRE TRENTE-
TROIS.

1

L n'et f
pas surprenant, mon cher Aza , que l'inconsé-

quence ioit une luite du caractère léger des François ; mais je ne puis assez m'étonner de ce qu'avec autant & plus de lumière qu'aucune autre nation, ils semblent ne pas appercevoir les contradictions choquantes , que les Etrangers remarquent en eux dès la premiere vûe.

Parmi le grand nombre de celles qui me frappent tous les jours, je n
'en vois point de plus deshonorante pour leur esprit, que leur façon de penser sur les

femmes. Ils les respectent, mon cher Aza, & en même-temps ils les méprisent avec un égal excès.

La premiere loi de leur polite
flè, ou si tu veux de leur vertu, ( car jusqu'ici je ne leur en ai guere découvert d'autres ) regarde les femmes. L'homme du plus haut rang doit des égards à celle de la plus vile condition, il se couvriroit de honte, & de ce qu'on appelle ridicule, s'il lui faisoit quelque insulte personnelle. Et cependant l'homme, le moins considérable, le moins estimé, peut tromper, trahir une femme de mérite , noircir sa réputation par des calomnies, sans craindre ni blâme ni punition: v Si

Si je n
'étoisaffurée que bientot tu pourras en juger par toimême, oserois-je te peindre des contrastes que la simplicité de nos esprits peut à peine concevoir? Docile aux notions de la nature , notre génie ne va pas au-delà ; nous avons trouve que la force & le courage dans un sexe, indiquoit qu'il devoit être le fontien & le défenseur de l'autre , nos Loix y font conformes. * Ici loin de compatir à la foiblefle des femmes, celles du peuple accablées de travail n'en font soulagées ni par les loix ni par leurs maris ; i1 celles d'un rang plus élevé ,

* Les Loix difpenfoicnt les femmes de tout travail pènible

jouet de la séduction ou de la méchanceté des hommes, n'ont pour se dédommager de leurs perfidies, que les dehors d'un respect purement imaginaire, toujours suivi de la plus mordante latyre.

Je m
'étois bien apperçue en entrant dans le monde que la censure habituelle de la nation tomboit principalement sur les femmes, & que les hommes, entre eux, ne se méprifoient qu'avec ménagement: j'en cherchois la cause dans leurs bonnes qualités, lorsqu'un accident me l'a fait découvrir parmi leurs défauts.

Dans toutes les maisons où nous sommes entrées depuis deux jours
, on a raconté la

i
ort d'un jeune homme tué ar un de ses amis, & l'on aprouvoit cette action barbare, ar la feule raison, que le mort oit parlé au désavantage du ivant; cette nouvelle extraa gance me parut d'un caraère assez serieux pour être profondie. Je m'informai, & ppris, mon cher Aza, qu'un omme est obligé d'expoier sa ie pour la ravir à un autre, il apprend que cet autre a nu quelques discours contre ui ; ou à se bannir de la société il refuse de prendre une venance si cruelle. Il n'en fallut as davantage pour m'ouvrir s yeux sur ce que je cherlois. Il est clair que les homes naturellement lâches, sans

honte & sans remords ne craignent que les punitions corporelles, & que si les femmes étoient autorisées à punir les outrages qu'on leur fait de la même maniere dont ils font obliges de se venger de la plus

lége-re insulte, tel que l'on voii reçu & accueilli dans la focicté; ne feroit plus ; ou retiré dan: un défert, il y cacheroit sa honte & sa mauvaise foi. L'impudence Se l'effronterie domi.

nent entièreme
nt les jeune

hommes, sur tout quand ils m risque
nt rien. Le motif de leu conduite avec les femmes, n'.

pas besoin d'autre éclaircisse.

ment, mais je ne vois pas en core le fondement du mépri intérieur que je remarque pou

elles, presque dans tous les cfprits; je ferai mes effort
s pour le découvrir; mon propre intérêt m'y engage, ô mon cher Aza ! qu'elle leroit ma douleur si a ton arrivécoii te parloit de moi comme j'entends parler des autres.


LETTRE TRENTE-QUATRE.

1

L m'a fallu beaucoup de tems mon cher Aza, pour

approfondir la cause du - mépri
s que l'on a presque généralement ici pour les femmes.

Enfin je crois l'avoir découvert dans le peu de rapport qu'il y a entre ce qu'elles font & ce qu'on s'imagine qu'elles devroient être. On voudroit, comme ailleurs, qu'elles eussent du mérite & de la vertu.

Mais il faudroit que la nature les fit ainsi; car l'éducation qu'on leur donne est si opposée à la fin qu'on se propose, qu'elle me paroît être le chef

d'œuvre de l'inconleq uencc Françoise.

On sçait au Pérou, mon chcfc Aza, que pour préparer les humains à la pratique des vertus, il faut leur
inspirer dès l'enfance un courage & une certaine fermeté d'ame qui leur forment un caractère décidé ; on l'ignore en France. Dans le premier âge les enfans ne paroissent destinés qu'au divertissement des parens & de ceux qui les gouvernent. Il semble que l'on veuille tirer un honteux avantage de leur incapacité à découvrir la vérité. On les trompe sur ce qu'ils ne voyent fus. On leur donne des idees fausses de ce qui se présente à leur sens, & l'on rit

inhumainement de leurs er- reurs : on augmente leur sensibilité & leur foiblesse naturelle par une puerile compassion pour les petits accidens qui leur arrivent : on oublie qu'ils doivent être des
hommes.

Je ne fsais quelles f
ont les fuites de l'education qu'un pere donne à son fils : je ne m'en fuis pas informée. Mais je sçai que du moment que les Biles commencent à être capables de recevoir des infiruétions, on les enferme dans une Maison Religieuse, pour leur apprendre à vivre dans le monde. Que l'on confie le soin- d'éclairer leur esprit à des personnes ausquelles on feroit peut-être un

crime d'en avoir, &qui font incapables de leur former le cœur qu'elles ne connoissent pas.

Les principes de la Religion, si propres à servir de germe à toutes les
vertus, ne font appris que superficiellement & par mémoire. Les devoirs à l'égard de la Divinité, ne font pas inspirés avec plus de méthode. Ils confident dans des petites cérémonies d'un culte extérieur, exigées avec tant de sévérité ; pratiquées avec tant d'ennui, que c'est le premier joug dont on se défait en entrant dans le monde : & si l'on en conserve encore quelques usages, à la maniere dont on s'en acquitte, on croiroit volontiers que ce n'eil qu'une espéce de politesse

que l'on rend par habitude à la Divinité.

D'ailleurs rien ne remplace les premiers fondemens d'une éducation mal dirigée. On ne connoît nrefque point en Fran.

ce le relpeéfc pour foi-même, dont on prend tant de foin de remplir le cœur de nos jeunes Vierges. Ce sentiment généreux qui nous rend le juge le plus (evere de nos aétions Se de nos pensées, qui devient un principe sûr quand
il est bien lenti, n'cft ici d'aucune ressource pour les femmes. Au peu de foin que l'on prend de leur ame on feroit tenté de croire que les François font dans l'er.

reur de certains peuples barbares qui leur en réfuient une.

Regler les mouvemens du :orps, arranger ceux du vifae , composer l'extérieur, font es points essentiels de l'éducaion. C'est sur les attitudes plus u moins genantes de leurs filles que les parens se glorient de les avoir bien élevées.

Is leur recommandent de se pénétrer de confusion pour une faute commise contre la bonne grâce : ils ne leur disent pas que la contenance honnête, n'est qu'une hypocrisie, si elle n'cft l'effet de l'honnêteté de l'amc.

On excite sans cesse en elles ce méprisable amour propre, qui n'a d'effets que sur les agrémens extérieurs. On ne leur fait pas connoître celui qui forme
le mérite, & qui n efl fa-

risfait que par l'estime. On borne la feule idée qu'on leur donne de l'honneur à n'avoir point d'amans, en leur présen.

tant sans cette la certitude de plaire pour récompense de la gêne & de la contrainte qu'on leur impose. Et le tems le plus précieux pour former l'esprit est employé à acquérir des talens imparfaits, dont on fait peu d'usage dans la jeunesse, & qui deviennent des ridicules dans un âge plus avancé.

Mais ce n'est pas tout, mon cher Aza, l'inconséquence des François n'a point de bornes.

Avec de tels principes ils attendent de leurs femmes la pratique des vertus qu'ils ne leur font pas connoît
re, ils ne leut

onnent pas même une idée uste des termes qui les défi- nent. Je tire tous les jours lus d'eclaircissement qu'il ne l'en faut là-dessus,
dans les ntretiens que j'ai avec de jeules personnes, dont l'ignoran- e ne me cause pas moins d'éonnement que tout ce que j'ai û * Uf, uyici.

Si je leur parle de sentimens, lies se défendent d'en avoir , ~arce qu'elles ne connoiffcnt ue celui de l'amour. Elles l'entendent par le mot de tonte, que la compassion naurelle, que l'on éprouve à la rûe d'un être souffrant ; & j'ai nême remarqué qu'elles en ont plus affectées pour desaninaux que pour des humains ;

mais cette bonté tendre réfléchie , qui fait faire le bien avec noblcile & difcernemenr, qui porte à l'indulgence & à l'humanité , leur eit totalement inconnue. Elles croient avoir rempli toute l'étendue des devoirs de la discrétion en ne révélant qu'à quelques amies les secrets
frivoles qu'elles ont surpris, ou qu'on leur a confiés. Mais elles n'ont aucune idée de cette discrétion circonf peéte t délicate & nécef..

faire pour ne point être à charge, pour ne blesser personne, & pour maintenir la paix dans la
société.

Si j'eilàye de leur expliquer ce que j'entends par la modération, sans laquelle les ver-

s mêmes font preique des ces : si je parle de l'honnctc des mœurs, de l'équité à gard des inférieurs, si peu atiquée en France, & de la rmeté à mépriser & à fuir s vicieux de qualité, je rcarque à leur embarras qu'cls me soupçonnent de parler langue Péruvienne, & que feule politesse les engage à indre de m'entendre. 1 Elles ne font pas mieux inruites sur la connoissance du onde, des hommes & de la ciété. Elles ignorent jusqu'à usage de leur langue natulIe; il est rare qu'elles la parnt correctement, & je ne l'apperçois pas sans une cxême surprise, que je fuis à

présent plus fçavante qu'elles a cet égard.

C'est dans cette ignorance que l'on marie les filles, à peine sorties de l'cnfance. Dèslors il semble ntvpeu d'intérêt que les parens prennent à leur conduite, qu'elles ne leur appartiennent plus. La plûpart des maris ne s'en occupent pas davantage. Il feroit encore tems de réparer les défauts de la premiere éducation; on n'en prend pas la peine.

Une jeune femme libre dans ion appartement, y reçoit sans contrainte les compagnies qui lui plaisent. Ses occupations font ordinairement pueriles, toujours inutiles, & peut-être au-aeffous de l'oisiveté. On entretient

tretient son esprit tout au oins de frivolités malignes i insipides, plus propres a la ndre mépriiable que la ftuité même. Sans confiance elle ; son mari ne cherche int à la former au foin de ; affaires, de sa famille & de maison. Elle ne participe au ut de ce petit univers que ria réprésentation. C'est une ure d'ornement, pouramur les curieux ; aussi pour peu e l'humeur impérieuse se gne au goût de la dissipaon, elle donne dans tous les ivers, passe rapidement de idépenaance à la licence, 8c ntôt elle arrache le mépris l'indignation des hommes, algré leur penchant Se leur

intérêt à toierer les vices de jeunesse en faveur de ses agr mens.

Quoique je te dise la véri avec toute la sincerité de m cœur, mon cher Aza, gar toi bien de croire, qu'il r ait point ici de femme de m

rite. Il en est d'assez heure sement nies pour se doni à elles-mêmes ce que l'édu, tion leur refuse. L'attachemi à leurs devoirs, la deecenfe leurs mœurs & les agrémi honnêtes de leur esprit attin sur elles leftime de tout monde. Mais le nombre de < les-là- est si borné, en com raison de la multitude, que font connues & révérées leur propre nom. Ne crois

non plus que le dérangement de la conduite des autres vien- ne de leur mauvais naturel. En général il me semble que leî
femmes naissent ici bien plus communément que chez nous, avec toutes les dispositions nécessaires pour égaler les hommes en mérite & en vertus.

Mais comme s'ils en convenoient au fond de leur cœùr, & que leur orgueuil ne peut supporter cette égalité ; ils contribuent en toute maniere à les rendre méprisables, foit en manquant de considérations pour les leurs, foit en féduiant celles des autres.

Quand tu sçauras qu'ici l'autorité est entièrement du côté des hommes, tu ne douteras

pas, mon cher Aza, qu'ils n soient responsables de tous le désordres de la société. Ceu: quijpar une lâche indifférenc laiflent suivre à leurs femme le goût qui les perd, sans Otr les plus coupables, ne font pa les moins dignes d'être mépr fés ; mais on ne fait pas assi

d'attention à ceux qui par 1'( xemple d'une conduite viciei se Se indécente entraînent leui femmes dans le dérèglement ou par dépit ou par vengeanc j Et en effet, mon cher Az
: comment ne feroicnt-clles p révoltées contre l'injufiice ci Loix qui tolèrent l'impuni des hommes, pouffée au me n excès que leur autorité. U mari, sans craindre aucui

punition, peut avoir pour sa femme les manieres les plus rébutantes, il peut dissiper en prodigalités, aussi crimin
elles qu'excessives, non feulement Ion bien, celui de ses enfans, mais même celui de la victime, qu'il fait gémir presque dans 1 indigence, par une avarice, pour les dépenses honnêtes, qui s'allie très-communément ici avec la prodigalité. Il est aUf81 torifé à punir rigoureusement l'apparence d'une lcgere infidélité, en se livrant sans honte à toutes celles que le libertinage lui suggere. Enfin, mon cher Aza, il semble qu'en France les liens du mariage ne soient réciproques qu'au moment de la célébration, & que

dans la fuite les femmes feule y doivent être assuietties.

Je pense & je sens que c feroit les honorer beaucou que de les croire capables d conserver de l'amour pour leu mari, malgré l'indifférence S les dégoûts, dont la plupai

font accablées. Mais qui pe1 résister au mépris !

Le premier lentiment que nature a mis en nous, est plaisir d'être, & nous le fer tons plus vivement & par dl gré à mesure que nous noi appercevons du cas que l'o fait de nous.

Le bonheur machinal c premier âge est d'être aimé ( les parens, & accueilli d étranges. Celui du relie de

vie ell de sentir l'importance de notre être, à proportion qu'il devient nécessaire au bonheur d'un autre. C'est toi, mon cher Aza, c'est ton amour extrêMe; c'est la franchise de nos cœurs, la fmcerité de nos sentimens qui m'ont dévoilé les secret
s de la nature & ceux de l'amour. L'amitié, ce fage Se doux liendevroit peut-être remplir tous nos vœux ; mais elle partage sans crime & sans ferupule Ton affeétion entre plusieurs objets; l'amour qui donne & qui exige une présence cxclufive, nous présente une idée si haute, si satisfaisante de notre être, qu'elle feule peut contenter l'avide ambition de primauté qui naît avec nous» qui se manifelte dans tous les

«

âges, dans tous les tems, dai tous les états, & le goût n; turel pour la propriété, achev de déterminer notre pencha à l'amour.

Si la poffeffiond'un meubli d'un bijou , d'une terre, ell i des sentimens les plus agréabl que nous éprouvions, quel de être celui qui nousadurc la pi

fcffion d'un cœur, d'une am d'un être libre, indépendant qui se donne volontairement échange du plaisir de posséc en nous les mêmes avantage S'il est donc vrai, moneti Aza, que le désir domina de nos cœurs foit celui d'ê honoré en général & cheri quelqu'un en particulier, cc çois- tu par quelle incon que

quence les François peuvent espérer qu'une jeune femme accablée de l'indifférence offensante de son mari, ne cherche pas à se soustraire à l'espéce d'anéantissement qu'on lui présente fous toutes fortes de formes. Imagines-tu qu'on puit se lui proposer de ne tenir à rien dans l'âge où les prétentions vont toujours au-delà du mérite? Pourrois-tu compren1 dre sur quel fondement on exil ge d'elle la pratique des veri tus, dont les hommes se dif1 pensent en leur réfusant les lumières & les principes nécessaires pour les pratiquer. Mais ce qui se conçoit encore moins, c'eftque les parens & les maris se plaignent réciproquement

du mépris que l'on a pour leur: femmes & leurs filles, & qu'ils en perpétuent la cause de race en race avec l'ignorance, l'in.

capac
ité &c la mauvaise éducation.

0, mon cher Aza, que le
vices brillans d'une Nation d ailleurs si seduisante, ne nou dégoûtent point de la naïv

simplicité de nos mœurs! N'ou blions jamais, toi l'obligatioi où tu es d'être mon exemple mon guide & mon foutiei dans le chemin de la vertu & moi celle où je fuis de cor ferver ton estime & ton amou en imitant mon mod��le.

  Première version


LETTRE TRENTE-
UNE.


IL n’est
pas surprenant, mon cher Aza, que linconséquence soit une suite du caractère léger des François ; mais je ne puis assez métonner de ce quavec autant & plus de lumières qu’aucune autre nation, ils semblent ne pas appercevoir les contradictions choquantes que les Étrangers remarquent en eux dès la première vue.

Parmi le grand nombre de celles qui me frappent tous les jours, je n
en vois point de plus deshonorante pour leur esprit, que leur façon de penser sur les femmes. Ils les respectent, mon cher Aza, & en même-temps ils les méprisent avec un égal excès.

La premiere loi de leur polite
sse, ou si tu veux de leur vertu (car je ne leur en connois point d’autre) regarde les femmes. Lhomme du plus haut rang doit des égards à celle de la plus vile condition, il se couvriroit de honte & de ce quon appelle ridicule, sil lui faisoit quelque insulte personnelle. Et cependant lhomme le moins considérable, le moins estimé, peut tromper, trahir une femme de mérite, noircir sa réputation par des calomnies, sans craindre ni blâme ni punition.

Si je n
étois assurée que bientôt tu pourras en juger par toi-même, oserois-je te peindre des contrastes que la simplicité de nos esprits peut à peine concevoir ? Docile aux notions de la nature, notre genie ne va pas au-delà ; nous avons trouvé que la force & le courage dans un sexe, indiquoit quil devoit être le soutien & le défenseur de lautre, nos Loix y sont conformes [46]. Ici loin de compatir à la foiblesse des femmes, celles du peuple accablées de travail n’en sont soulagées ni par les loix ni par leurs maris ; celles dun rang plus élevé, jouet de la séduction ou de la méchanceté des hommes, nont pour se dédommager de leurs perfidies, que les dehors dun respect purement imaginaire, toujours suivi de la plus mordante satyre.

Je m
étois bien apperçue en entrant dans le monde que la censure habituelle de la nation tomboit principalement sur les femmes, & que les hommes, entre eux, ne se méprisoient quavec ménagement : j’en cherchois la cause dans leurs bonnes qualités, lorsquun accident me la fait découvrir parmi leurs défauts.

Dans toutes les maisons où nous sommes entrées depuis deux jours
, on a raconté la mort dun jeune homme tué par un de ses amis, & l’on approuvoit cette action barbare, par la seule raison, que le mort avoit parlé au désavantage du vivant ; cette nouvelle extravagance me parut dun caractère assez sérieux pour être approfondie. Je minformai, & j’appris, mon cher Aza, qu’un homme est obligé d’exposer sa vie pour la ravir à un autre, s’il apprend que cet autre a tenu quelques discours contre lui ; ou à se bannir de la société s’il refuse de prendre une vengeance si cruelle. Il nen fallut pas davantage pour mouvrir les yeux sur ce que je cherchois. Il est clair que les hommes naturellement lâches, sans honte & sans remords ne craignent que les punitions corporelles, & que si les femmes étoient autorisées à punir les outrages quon leur fait de la même maniere dont ils sont obligés de se venger de la plus légere insulte, tel que lon voit reçu & accueilli dans la société, ne seroit plus ; ou retiré dans un desert, il y cacheroit sa honte & sa mauvaise foi : mais les lâches n’ont rien à craindre, ils ont trop bien fondé cet abus pour le voir jamais abolir.

L’
impudence & l’effronterie sont les premiers sentimens que l’on inspire aux hommes, la timidité, la douceur & la patience, sont les seules vertus que l’on cultive dans les femmes : comment ne seroient-elles pas les victimes de l’impunité ?

Ô
mon cher Aza ! que les vices brillans d’une nation dailleurs charmante, ne nous dégoûtent point de la naive simplicité de nos mœurs ! N’oublions jamais, toi, l’obligation où tu es dêtre mon exemple, mon guide & mon soutien dans le chemin de la vertu ; & moi celle où je suis de conserver ton estime & ton amour, en imitant mon mod��le, en le surpassant même s’il est possible, en méritant un respect fondé sur le mérite & non pas sur un frivole usage usage.


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