Deuxième version


LETTRE SIXI�
�ME,

QUELLE
horrible far-
prife
, mon cher Aza l
Que nos malheurs font aug-
mentés ! Que nous fommes à
plaindre ! Nos maux font fans
remède
, il ne me relie qu'à te
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apprendre &z à mourir.

On m
'a enfin permis de me
lever , j'ai profité avec em-
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ement de cette liberté , je
me f
uis traînée à une petite fe-
nêtre, qui depuis long-tems
étoit l'objet de mes défirs cu-
rieux ; je l
ai ouverte avec pré-
cipitation : Qu'ai-je vu ! Cher
Am.
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verai point d'expreffions pour
I.Pan. ^ I



5)8 Lettres d'une

te peindre Pexcès de mon écon-
nement , & le mortel défefpoir
qui m'a faifie en ne décou-
vrant autour de moi que ce
terrible élément dont la vue
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eule fait frémir.

Mon premier coup d
'œil ne
m'
a que trop éclairée fur le
mouvement incommode de no-
tre demeure. Je fuis dans une
de ces maifons flottantes, dont
les Efpagnols fe font fervis
pour atteindre jufqu'à nos mal-
heureufcs Contrées, & dont
on ne m'avoit fait qu'une de-
fcripr
ion très-imparfaite.

Conçois-tu, cher Aza
, quel-
les idées funeftes font entrées
dans mion ame avec cette af-
freuf
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certaine que l'on m'éloigne de



/

Péruvienne. 99



toi, je ne refpire plus le mcme
air, je n^habite plus le même
élément : tu ignoreras toujours
où je fuis , fi je t'aime , il j'e-
xifte^
la deftrucl:ion de mon
être ne paroîtra pas même un
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nement affez confidérable
pour être porté jufquà toi.
Cher Arbitre de mes jours , de
quel prix te peut être défor-
mais ma vie infortunée ? Souf-
fre que je rende à la Divinité
un bienfait infupportable dont
je ne veux plus jouir ; je ne te
verrai plus, je ne veux plus
vivre.

Je perds ce que j
'aime; Pu-
nivers efl: anéanti pour moi;
il n'ef
t plus qu'un vafte deiert
que je remplis des cris de mon
amour ; entends-les , cher objet



loo Lettres d'une

de ma tendreirc, lois-cn tou-
ché, permets que je meure. . . .
Quelle erreur me
féduir !
Non, mon cher Aza, non, ce
n'ef
t pas toi qui m'ordonnes de
vivre, c'eft la timide nature,
qui, en frémiffant d'horreur,
emprunte ta voix plus puiflan-
te que la fienne pour retarder
une fin toujours redoutable
pour elle; mais c^cn eft fait,
le moyen le plus prompt me
délivrera de fcs regrets. . . .

Que la Mer abîme à jamais

dans fes fiots ma tendreffe mal-
hcureufe
, ma vie & mon défct
poir.

Reçois
, trop malheureux
Aza
, reçois les derniers fen-
timens de mon cœur , il n^a
reçu que ton image , il ne vou-i



Péruvienne. ioi

loit vivre que pour toi , il
meurt rempli de ton amour. Je
t^
aime, je le penfe , je le fens
encore, je le dis pour la der-
niè
re fois




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I02 Lettres d'une



  Première version


LETTRE SIXI�
�ME.


QUelle
horrible surprise, mon cher Aza ! Que nos malheurs sont augmentés ! Que nous sommes à plaindre ! Nos maux sont sans reméde, il ne me reste qu’à te l’apprendre & à mourir.

On m
a enfin permis de me lever, j’ai profité avec empressement de cette liberté ; je me suis traînée à une petite fenêtre, je l’ai ouverte avec la précipitation que m’inspiroit ma vive curiosité. Qu’ai-je vû ? Cher Amour de ma vie, je ne trouverai point dexpressions pour te peindre l’excès de mon étonnement, & le mortel désespoir qui m’a saisie en ne découvrant autour de moi que ce terrible élément dont la vûe seule fait frémir.

Mon premier coup d
œil ne m’a que trop éclairée sur le mouvement incommode de notre demeure. Je suis dans une de ces maisons flotantes, dont les Espagnols se sont servis pour atteindre jusqu’à nos malheureuses Contrées, & dont on ne mavoit fait quune description très-imparfaite.

Conçois-tu, cher Aza
, quelles idées funestes sont entrées dans mon ame avec cette affreuse connoissance ? Je suis certaine que l’on m’éloigne de toi, je ne respire plus le même air, je nhabite plus le même élément : tu ignoreras toujours où je suis, si je t’aime, si j’existe ; la destruction de mom être ne paroîtra pas même un évenement assez considérable pour être porté jusqu’à toi. Cher Arbitre de mes jours, de quel prix te peut être désormais ma vie infortunée ? Souffre que je rende à la Divinité un bienfait insupportable dont je ne veux plus jouir ; je ne te verrai plus, je ne veux plus vivre.

Je perds ce que j
aime ; l’univers est anéanti pour moi ; il n’est plus quun vaste desert que je remplis des cris de mon amour ; entends-les, cher objet de ma tendresse, sois-en touché, permets que je meure

Quelle erreur me
séduit ! Non, mon cher Aza, non, ce n’est pas toi qui mordonnes de vivre, c’est la timide nature, qui, en frémissant dhorreur, emprunte ta voix plus puissante que la sienne pour retarder une fin toujours redoutable pour elle ; mais c’en est fait, le moyen le plus prompt me délivrera de ses regrets

Que la Mer abîme à jamais
dans ses flots ma tendresse malheureuse, ma vie & mon désespoir.

Reçois
, trop malheureux Aza, reçois les derniers sentimens de mon cœur, il n’a reçu que ton image, il ne vouloit vivre que pour toi, il meurt rempli de ton amour. Je t’aime, je le pense, je le sens encore, je le dis pour la derniere fois


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