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George Sand - Indiana - Un séducteur


Sand

George Sand - Indiana - Un séducteur

Extrait tiré de : George Sand, Indiana, 1832 (acheter l’œuvre)

Extrait proposé par : Du côté des autrices


À propos de cet extrait :

Indiana, c’est le premier roman que George Sand a écrit seule, publié en 1832. Un ouvrage audacieux, qui préfigure Madame Bovary, et pourtant celui des deux dont on se souvient le moins. Femme de 19 ans mariée à un vieux colonel, Indiana s’ennuie terriblement dans ce mariage et va peu à peu laisser tomber sa timidité et son respect impassible pour son mari, pour se révéler bien plus indépendante d’esprit.

Dans cet extrait, George Sand ne se concentre pas sur Indiana, mais sur Raymon, celui qui essaye de la séduire et qui la charme. On sent poindre chez George Sand la critique des personnages comme Raymon, si assurés d’eux-mêmes et amoureux de l’état amoureux, au point d’oublier la femme vers laquelle ils se tournent.

Retrouvez cet extrait lu par Mathilde Doiezie dans le podcast Du côté des autrices.


(licence Creative Commons BY-SA, Du côté des autrices)
Texte de l'extrait (source) :

Raymon s’assit auprès d’elle. Il avait cette aisance que donne une certaine expérience du cœur ; c’est la violence de nos désirs, la précipitation de notre amour qui nous rend stupides auprès des femmes. L’homme qui a un peu usé ses émotions est plus pressé de plaire que d’aimer. Cependant M. de Ramière se sentait plus profondément ému auprès de cette femme simple et neuve qu’il ne l’avait encore été. Peut-être devait-il cette rapide impression au souvenir de la nuit qu’il avait passée chez elle ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’en lui parlant avec vivacité, son cœur ne trahissait pas sa bouche.

Mais l’habitude acquise auprès des autres donnait à ses paroles cette puissance de conviction à laquelle l’ignorante Indiana s’abandonnait, sans comprendre que tout cela n’avait pas été inventé pour elle.

En général, et les femmes le savent bien, un homme qui parle d’amour avec esprit est médiocrement amoureux. Raymon était une exception ; il exprimait la passion avec art, et il la ressentait avec chaleur. Seulement ce n’était pas la passion qui le rendait éloquent, c’était l’éloquence qui le rendait passionné. Il se sentait du goût pour une femme, et devenait éloquent pour la séduire et amoureux d’elle en la séduisant. C’était du sentiment comme en font les avocats et les prédicateurs, qui pleurent à chaudes larmes dès qu’ils suent à grosses gouttes. Il rencontrait des femmes assez fines pour se méfier de ces chaleureuses improvisations ; mais Raymon avait fait par amour ce qu’on appelle des folies : il avait enlevé une jeune personne bien née ; il avait compromis des femmes établies très-haut ; il avait eu trois duels éclatants ; il avait laissé voir à tout un rout1, à toute une salle de spectacle, le désordre de son cœur et le délire de ses pensées. Un homme qui fait tout cela sans craindre d’être ridicule ou maudit, et qui réussit à n’être ni l’un ni l’autre, est hors de toute atteinte ; il peut tout risquer et tout espérer.


1. Grande réception mondaine.