Extrait tiré de : Hélène Cixous, Le Nom d’Œdipe ou Chant du corps interdit, 1978
Extrait proposé par : C. Guerrieri
Le nom d’Œdipe est un opéra créé au Festival d’Avignon en 1978. Hélène Cixous y reprend le mythe d’Œdipe, en s’attardant particulièrement sur la figure de Jocaste.
JOCASTE
Je te le dis : écoute moi,
Ne l’écoute pas,
Il faut savoir ne pas savoir.
Se retirer.
CHOEUR.
- Écoute-la.
- Ne l’écoute pas.
- Il ne changera jamais.
- Toujours cette soif ?
- Si lasse. Harassée.
ŒDIPE
Vers ce que je redoute le plus
Il faut aller.
Ce dont j’ai peur
M’appelle.
Comme si la Bête Chanteuse
Revenait.
Ou son ombre bien vivante.
Me défier, me montrer
le danger.
JOCASTE
Ne l’écoute pas
Écoute moi
Ne te laisse pas prendre
Au chantage.
Viens, viens.
CHOEUR
- Il est sourd ?
- Il n’a d’oreilles que pour la Chienne.
- Il ne tend l’oreille qu’à la voix qui parle de terreur
ŒDIPE
S’aimer n’est pas assez
Il faut aller jusqu’au fond
De l’histoire pour que ce soit vraiment
S’aimer.
Viens, allons plus loin, Au fond, nous deux ensemble.
Je te dis : viens, je le veux
Ce mystère, avec toi, le remonter.
Tu me connais
CHOEUR
- Ne l’écoute pas.
- Écoute-la.
- Il faut savoir
- ne pas savoir
JOCASTE
Je te connais
Tu veux toujours aller au plus près
De la source. Je suis la cause
Je n’ai pas su.
Te donner l’amour qui apaise
Te sevrer.
CHOEUR
- Il ne pourrait être heureux
Que s’il avait fait le jour.
- Il n’y a pas de source
- Il ne fait jamais vraiment jour.
Pas assez jour pour lui.
ŒDIPE
Je ne suis
Pas l’homme du doute et du dérobé.
Manquer de jour
C’est manquer d’air.
JOCASTE
L’oracle, sa mauvaise langue.
Pourquoi le croire ?
Ce qui est caché, fuis-le
Ne le cherche pas.
Ne sors pas. Reste ici.
ŒDIPE
Toute ma vie pour la réponse.