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Mme Ulrich, La Folle enchère, scène X


Ulrich

Mme Ulrich, La Folle enchère, scène X

Extrait tiré de : Mme Ullrich, La folle enchère, 1691 (acheter l’œuvre)

Extrait proposé par : Audrey Fournier


À propos de cet extrait :

Angélique, déguisée en jeune homme, est la proie des convoitises des vieilles amoureuses qui refusent de vieillir. En particulier, Madame Argante espère pouvoir la séduire et l’épouser. Avec la complicité de Lisette, Angélique la tourne en ridicule.


(licence Creative Commons BY-NC-SA, Audrey Fournier)
Texte de l'extrait (source) :

ANGÉLIQUE.
En vérité, Madame, il m’a fallu essuyer ce matin une fatigante conversation.

MADAME ARGANTE, bas à Lisette.
Mon coquin de fils1 aura parlé : je l’avais bien prévu.

ANGÉLIQUE.
Le plaisant animal qu’une vieille amoureuse !

LISETTE, bas.
Le beau compliment à lui faire !

MADAME ARGANTE.
Elles ne vous paraissent pas toutes si affreuses, Monsieur, et certaine Marquise entre autres ?

ANGÉLIQUE.
Oui, Madame, justement ; c’est une Marquise qui m’a tant ennuyé. La vieille folle !

LISETTE.
N’est-ce point elle qui vous envoie chercher, jusques ici ?

ANGÉLIQUE.
C’est elle-même, apparemment ?

LISETTE.
Je ne sais point quel âge elle a, mais son valet de chambre prend tout le monde pour des grand-mères. Demandez à Madame.

MADAME ARGANTE.
Tais-toi, Lisette, on n’a que faire de savoir ces sortes de bagatelles.

ANGÉLIQUE.
C’est une femme qui me désole, elle me perd de réputation. Comment, Madame ! Elle publie partout que je suis amoureux d’elle, que je brûle d’impatience de devenir son mari.

MADAME ARGANTE.
Il est vrai que toute la terre en parle de la même manière.

ANGÉLIQUE.
Ce bruit est venu jusqu’à vous ?

LISETTE.
Vraiment, vraiment, il nous en est venu de bien plus terribles.

ANGÉLIQUE.
Quoi, Lisette ?

LISETTE.
On a fait entendre à Madame, que vous êtes le Héros de la coquetterie.

ANGÉLIQUE.
Moi, le Héros ! J’en suis le maître ; et malgré toute la tendresse que j’ai pour vous, je serai forcé de vous quitter, et d’aller faire le reste de la campagne2.

MADAME ARGANTE.
Le reste de la campagne ! Que dites-vous ?

ANGÉLIQUE.
Je suis accablé d’aventures ; la plupart des jeunes gens sont à l’armée, toutes les coquettes de Paris me tombent sur les bras.

LISETTE.
Hé mort de ma vie, qu’elles sont folles ! Il y a tant d’autres gens qui ne savent que faire ; et la Robe3 ne fournit-elle pas d’aussi jolis hommes que l’Épée ? Il me semble, pour moi, qu’un jeune Avocat en été, vaut encore mieux qu’un vieux Colonel pendant le quartier d’hiver.

ANGÉLIQUE.
Tu as raison, mais les femmes du monde raisonnent-elles ? Il n’y a que de l’étoile4 et du caprice dans tout ce qu’elles font.

LISETTE.
C’est-à-dire que vous êtes à présent l’objet de l’étoile et du caprice.

MADAME ARGANTE.
Monsieur le Comte, ne vous en allez point, si vous ne voulez me désespérer.

ANGÉLIQUE.
Dites-moi donc ce que vous voulez que je fasse.

LISETTE.
Hé pourquoi tant hésiter ! Vous vous aimez tous deux ; faut-il faire tant de façons ? Un bon mariage dans les formes guérira Madame de ses soupçons, et pourra vous mettre à couvert des persécutions qu’on vous fait.


1. Éraste, amoureux d’Angélique, informé de la situation
2. De la campagne militaire
3. La magistrature
4. Elles ne pensent qu’à briller