Article ajouté le 04/03/2017 à 12h21
Les femmes de la Renaissance ont joué un rôle très important dans la constitution de la littérature en langue française. Plusieurs d’entre elles ont laissé des œuvres importantes, Pernette du Guillet, Louise Labé, Marie de Romieu ou Catherine des Roches par exemple. Ainsi Catherine des Roches a animé avec sa mère Madeleine des Roches un cercle littéraire à Poitiers et publié plusieurs ouvrages. Les sonnets de Sincero à Charite et de Charite à Sincero mettent en scène un personnage masculin et un personnage féminin qui énoncent chacun leur tour une série de sonnets. Dans les sonnets de Sincero, Catherine prend donc le masque d’un homme pour écrire l’amour et dans les sonnets de Charite, celui d’une femme. Les deux prénoms sont symboliques, Sincero évoque la sincérité et l’Italie alors que Charite rappelle la grâce (charis) des Grecs. Dans tous les cas, Catherine des Roches reprend les thèmes pétrarquistes pour en donner de nouvelles versions. Dans le premier poème, l’homme se présente sous la métaphore pétrarquiste du navire sauvé par la dame des erreurs d’une jeunesse aveuglée par les sens. Dans le second, la dame vante le profit de l’étude et de la vie sociale et déconseille à l’amant de se livrer exclusivement à une description de son amour.
Extrait tiré de : Catherine Des Roches, Les Œuvres, 1579 (acheter l’œuvre)
Extrait proposé par : Caroline Trotot
Ma nef au gré des vents dedans l’onde poussée
Errait de toutes parts, quand votre heureuse main,
Piteuse1 de mon mal, me retira soudain,
En me sauvant des flots de la mer courroucée.
Follement aveuglé d’une erreur2 insensée,
Montrant que la raison m’était donnée en vain,
Je me laissais guider d’un erreur incertain
Lorsque votre bel œil arrêta ma pensée.
Maintenant je mourrais en mon cruel tourment3.
Mais de vos doux propos le doux enchantement
De cet âpre douleur promptement me délie.
Ainsi le saint honneur de vos perfections,
Conduisant sagement toutes mes actions,
Commande sur mes sens, mes pensers, et ma vie.
Extrait tiré de : Catherine Des Roches, Les Œuvres, 1579 (acheter l’œuvre)
Extrait proposé par : Caroline Trotot
Jamais mon Sincero, je ne prendrai plaisir
De vous assujettir à des lois rigoureuses.
Ha ! vraiment je hais trop ces âmes langoureuses
Qui sans cause d’espoir renforcent leur désir.
Je vous saurai bon gré, s’il vous plaît, de choisir
Le temps le plus commode aux œuvres sérieuses ;
Mais ne me racontez vos plaintes amoureuses
Sinon quand vous serez aux heures de loisir.
La plus grand part du temps demeurez à l’étude,
Puis quand vous serez las de votre solitude,
De raisonner en vous, et de penser en moi,
Allez voir le Palais, et la paume, et l’escrime1,
Et les Dames d’honneur, de vertu, et d’estime,
Gardant toujours l’amour, l’espérance, et la foi.
Extrait tiré de : Ronsard, Les amours, 1553
Extrait proposé par : Caroline Trotot
O de Népenthe, et de liesse pleine
Chambrette heureuse, où deux heureux flambeaux,
Les plus ardents du ciel, et les plus beaux
Me font escorte après si longue peine.
Or je pardonne à la mer inhumaine,
Aux flots, aux vents, la trahison de mes maux
Puisque par tant et par tant de travaux,
Une main douce à si doux port me mène.
Adieu tourmente, adieu naufrage, adieu.
Vous flots cruels, aïeux du petit Dieu,
Qui dans mon sang à sa flèche souillée :
Ores ancré dedans le sein du port,
Par vœux promis, j’appends dessus le bord
Aux dieux marins ma dépouille mouillée.
Activité : lecture comparée du sonnet IX avec le sonnet 128 de l'édition de 1553 Amours de Ronsard.
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